dimanche 15 février 2015

Un oeil sur Hokusaï #1/3


Le Pavillon du turbo cornu, vers 1785-1787


Début des vacances, c’est en écoutant la pluie tombée sur ma fenêtre que je décide de vous écrire ce fameux article sur HOKUSAI ! Vous l’attendiez, le voici.

Comme je vous en faisais part sur cet article, il était quelque part nécessaire que je vous fasse partager cette exposition puisque j’ai quand même attendu 5h30, mon sandwich dans mon sac, une conversation de petites vieilles dernière moi pour seule occupation. J’avais quand même apporté un livre mais j’avais beau me concentrer sur l’Oeuvre de Zola, impossible d’éviter la conversation quand la moitié de la file pouvait entendre ce qu’elles disaient. Le temps est quand même passé assez rapidement grâce à elles car je me suis bien marrée.


Vendeur de boissons fraîches, vers 1793-1794


Venons-en au fait. Hokusai est un artiste polymorphe, aux nombreuses signatures. Elles sont telles que l’on croirait avoir affaire à plusieurs artistes semblables dispersés dans diverses époques. Mais il semble que ce soit propres aux artistes japonais d’avoir des noms différents : "noms de pinceaux" et visiblement noms marquant des étapes charnières dans leur vie.

Hokusai est né en 1760 à Edo. L’on connaît visiblement peu de choses sur sa jeunesse mais il aurait débuté comme graveur de planches pour la fabrication des estampes à l’âge de 15 ans. Il entre en 1778 dans l’atelier de Katsukawa Shunsho, célèbre pour ses portraits d’acteurs de kabuki et entreprend une carrière de dessinateur. A partir de ce moment là commence sa mutation d’artiste en prenant le nom de Katsukawa Shunro. Il arbore un style bien personnel dans la représentation de jolies femmes, de guerriers célèbres et l’illustration de livres imprimés. Cette période dura jusqu’en 1794.

En observant attentivement ses œuvres, il est souvent évident de les décrire comme délicates, finement peintes, exploitant le détail avec beaucoup de justesse. Mais finalement, je me rends compte qu’il est bien plus difficile de pouvoir apporter des informations quant à la symbolique des œuvres. Laissons-nous donc porter par son histoire. Attention, je me suis vite évadée dans les recherches, les éléments vous paraitront peut-être superflus mais, je considère que ces informations permettent de comprendre un peu mieux l’artiste, vu que l’art japonais est assez complexe…



 
Tableau des moeurs féminines du temps, vers 1792-1794


En 1794, il change de nom et opte pour celui de Sori. Lors de cette phase, il se détache de l’école de Katsukawa pour se rapprocher de l’école de Rinpa ou Rimpa. Elle est l’une des écoles majeures de la peinture japonaise décorative créée au XVIIe siècle mais qui néanmoins trouve ses origines propres grâce aux artistes Hon’ami Koetsu (1558-1637) et Tawaraya Sotatsu († 1643).

Le premier, faisant partie d’une famille de polisseurs de sabres qui l’amena à rentrer en contact avec des personnalités du monde de l’art, avait pour intérêt la peinture, la calligraphie, le travail de la laque et les Arts du Thé. Son style s’inspire de l’art aristocratique de la période Heian (794-1185), période considérée comme un sommet de la culture japonaise. C’est au cours de celle-ci que le mouvement artistique classique de l’époque, Yamato-e, est né. Il nait de l’émergence d’une esthétique nationale japonaise plus décorative, détaillée et inspirée de l’homme et de son quotidien au Japon que l’art chinois. Le style induit plusieurs évolutions techniques et picturales avec notamment la peinture profane sur porte coulissante (shoji) et sur longs rouleaux de papiers (emaki). Un exemple typique du mouvement artistique Yamato-e est celui des Rouleaux illustrés du Dit du Genji, un conte classique de la littérature japonaise du début du XIe siècle. On retiendra principalement que ce mouvement est axé sur les sentiments proprement humains et la vie quotidienne qui s’oppose aux styles chinois plus philosophiques. Il se caractérise également par son point de vue interne à la cour de l’empereur et son atmosphère intemporelle et nostalgique.


Calligraphie de Hon’ami Koetsu (1558-1637)

Rouleaux illustrés du Dit du Genji, période Heian(794-1185)


Hon’ami Koetsu et Tawaraya Sotatsu se connaissaient et collaborèrent à de nombreuses occasions. Ce dernier est un artiste qui peignait des éventails à Kyoto, et était introduit à la cour comme créateur de calligraphies décoratives. Il fit revivre le genre classique du Yamato-e en y apportant des lignes audacieuses et des motifs colorés frappants, ainsi que d’autres apports techniques. De plus, cet artiste trouve son inspiration dans la peinture profane et populaire de l’époque de Muromachi (1336-1573), début des temps modernes, où les arts sont marqués par le bouddhisme Zen et regroupent un ensemble de pratiques aujourd’hui fortement associées à la culture du japon : cérémonie du thé, théâtre nô, arrangement floral (l’ikebana), poésie renga, peinture au lavis (le sumi-e) et les jardins secs.




Et puisque la saint Valentin est passée, voici un poème  de Man’yoshu du VIIIe siècle, illustré par Sotatsu :

Insomniaque amoureux,
Je vois l’aube pâlir.
Ô canards-mandarins qui passez,
M’apportez-vous un message de mon aimée ?

La collaboration des deux artistes se retrouve dans de nombreux rouleaux et albums où une calligraphie de Koetsu vient s’inscrire sur des feuilles richement dotées de motifs à l’encre d’or et d’argent par Sotatsu. Cette collaboration vient en quelque sorte donner une forme synthétique à la période Heian (que j’ai développé plus haut) puisque c’est une œuvre où le dessin, l’écriture et la poésie s’harmonisent. Ils se préoccupaient de réaliser de belles peintures décrivant la nature de façon intimiste.



Ogata Korin (attribué à), Chrysanthèmes (paravent à deux panneaux)

Ogata Korin, Iris, 1701-1702


Ogata Korin et son frère Kenzan au XVIIe siècle sont les deux artistes à l’origine de la naissance de l’école Rinpa où Hokusai viendra se former à la fin du XVIIIe siècle. Ogata Korin (1658-1716) est un peintre japonais de grande renommée qui ressuscite dans l’esprit du XVIIIe siècle le génie de Sotatsu. Les deux frères s’attachent tout deux à la décoration des poteries créées par Kenzan. Les croquis que l’on garde d’eux sont faits d’après nature et représentent majoritairement des fleurs et des oiseaux qui étonnent tant par leur réalisme que leur minutie. Regardez cette merveille : un paravent aux Iris est le couronnement de cette première période de l’art de Korin avant 1704. Sur un fond d’or, huit bouquets d’iris pleinement épanouis sont représentés dont leur position variable rythme l’œuvre dans sa composition. Se révèle ici l’influence de Sotatsu. Ses disciples tels Fukai Roshù, Tatebayashi Kagei ou Watanabe ne font qu’imiter sa stylisation. Ce sera Sakai Hoitsu (1761-1828) qui cherchera à faire connaître la valeur de Korin un siècle plus tard.

Korin aura finalement apporté de bien belles innovations à l’école Rimpa qui consiste à rendre la nature de manière plus abstraite, mons conventionnelle, en faisant appel à des gradations de couleurs, et à des mélanges de couleurs pour parvenir à des effets étonnants et des variations de coloris. Il fit également appel à des matières précieuses que sont l’or ou les perles, restant ainsi fidèle à la « signature » habituelle de l’école Rimpa.

Hokusai se sera donc rapporché de cette école et aura dès lors métamorphosé son sytle. Il ne produit que très rarement des estampes en série pour se concentrer autour des surimono (comme les Tortues) c’est-à-dire des gravures en une seule feuille destinées à un usage privé. Hokusai gravit les sommets de la reconnaissance grâce à ses œuvres luxueuses et raffinées, à son habileté à traiter une grande diversité de sujets et à sa capacité à illustrer le genre à la mode des Kyoka, traduit par « poèmes-bouffes ». Ce sont des joutes poétiques sous forme d’estampes suivies de livres illustrés. En 1798, il change de nouveau de nom et s’installe comme artiste indépendant...



Une oïran et ses deux shinzo admirant les cerisiers en fleur à Nakanocho, 1793-1797 

Tortues (surimono)

Longue-vue, 1801-1804

Sifflet de la cerise d'hiver, 1801-1804


Yu Zhi jouant de la cithare, vers 1796 

Branche de prunier, vers 1796 

Fukusuke, vers 1804 

 Rameaux du saule, 1797

L'Oiseau de la capitale, 1802


A très vite, pour la suite !

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