Le Pavillon du turbo cornu, vers 1785-1787
Début des vacances, c’est en écoutant la pluie tombée sur ma fenêtre
que je décide de vous écrire ce fameux article sur HOKUSAI ! Vous
l’attendiez, le voici.
Comme je vous en faisais part sur cet article, il était quelque part
nécessaire que je vous fasse partager cette exposition puisque j’ai quand même
attendu 5h30, mon sandwich dans mon sac, une conversation de petites vieilles
dernière moi pour seule occupation. J’avais quand même apporté un livre mais
j’avais beau me concentrer sur l’Oeuvre de Zola, impossible d’éviter la
conversation quand la moitié de la file pouvait entendre ce qu’elles disaient.
Le temps est quand même passé assez rapidement grâce à elles car je me suis
bien marrée.
Vendeur de boissons fraîches, vers 1793-1794
Venons-en au fait. Hokusai est un artiste polymorphe, aux nombreuses
signatures. Elles sont telles que l’on croirait avoir affaire à plusieurs
artistes semblables dispersés dans diverses époques. Mais il semble que ce soit
propres aux artistes japonais d’avoir des noms différents : "noms de
pinceaux" et visiblement noms marquant des étapes charnières dans leur vie.
Hokusai est né en 1760 à Edo. L’on connaît visiblement peu de choses
sur sa jeunesse mais il aurait débuté comme graveur de planches pour la
fabrication des estampes à l’âge de 15 ans. Il entre en 1778 dans l’atelier de
Katsukawa Shunsho, célèbre pour ses portraits d’acteurs de kabuki et entreprend
une carrière de dessinateur. A partir de ce moment là commence sa mutation
d’artiste en prenant le nom de Katsukawa Shunro. Il arbore un style bien
personnel dans la représentation de jolies femmes, de guerriers célèbres et
l’illustration de livres imprimés. Cette période dura jusqu’en 1794.
En observant attentivement ses œuvres, il est souvent évident de les
décrire comme délicates, finement peintes, exploitant le détail avec beaucoup
de justesse. Mais finalement, je me rends compte qu’il est bien plus difficile
de pouvoir apporter des informations quant à la symbolique des œuvres.
Laissons-nous donc porter par son histoire. Attention, je me suis vite évadée
dans les recherches, les éléments vous paraitront peut-être superflus mais, je
considère que ces informations permettent de comprendre un peu mieux l’artiste,
vu que l’art japonais est assez complexe…
En 1794, il change de nom et opte pour celui de Sori. Lors de cette
phase, il se détache de l’école de Katsukawa pour se rapprocher de l’école de
Rinpa ou Rimpa. Elle est l’une des écoles majeures de la peinture japonaise
décorative créée au XVIIe siècle mais qui néanmoins trouve ses origines propres
grâce aux artistes Hon’ami Koetsu (1558-1637) et Tawaraya Sotatsu († 1643).
Le premier, faisant partie d’une famille de polisseurs de sabres qui
l’amena à rentrer en contact avec des personnalités du monde de l’art, avait
pour intérêt la peinture, la calligraphie, le travail de la laque et les Arts
du Thé. Son style s’inspire de l’art aristocratique de la période Heian
(794-1185), période considérée comme un sommet de la culture japonaise. C’est
au cours de celle-ci que le mouvement artistique classique de l’époque,
Yamato-e, est né. Il nait de l’émergence d’une esthétique nationale japonaise plus
décorative, détaillée et inspirée de l’homme et de son quotidien au Japon que
l’art chinois. Le style induit plusieurs évolutions techniques et picturales
avec notamment la peinture profane sur porte coulissante (shoji) et sur longs
rouleaux de papiers (emaki). Un exemple typique du mouvement artistique
Yamato-e est celui des Rouleaux illustrés du Dit du Genji, un conte classique
de la littérature japonaise du début du XIe siècle. On retiendra principalement
que ce mouvement est axé sur les sentiments proprement humains et la vie
quotidienne qui s’oppose aux styles chinois plus philosophiques. Il se
caractérise également par son point de vue interne à la cour de l’empereur et
son atmosphère intemporelle et nostalgique.
Calligraphie de Hon’ami Koetsu (1558-1637)
Rouleaux illustrés du Dit du Genji, période Heian(794-1185)
Hon’ami Koetsu et Tawaraya Sotatsu se connaissaient et collaborèrent à
de nombreuses occasions. Ce dernier est un artiste qui peignait des éventails à
Kyoto, et était introduit à la cour comme créateur de calligraphies
décoratives. Il fit revivre le genre classique du Yamato-e en y apportant des
lignes audacieuses et des motifs colorés frappants, ainsi que d’autres apports
techniques. De plus, cet artiste trouve son inspiration dans la peinture
profane et populaire de l’époque de Muromachi (1336-1573), début des temps
modernes, où les arts sont marqués par le bouddhisme Zen et regroupent un
ensemble de pratiques aujourd’hui fortement associées à la culture du
japon : cérémonie du thé, théâtre nô, arrangement floral (l’ikebana),
poésie renga, peinture au lavis (le sumi-e) et les jardins secs.
Et puisque la saint Valentin est passée, voici un
poème de Man’yoshu du VIIIe siècle,
illustré par Sotatsu :
Insomniaque amoureux,
Je vois l’aube pâlir.
Ô canards-mandarins qui passez,
M’apportez-vous un message de mon aimée ?
La collaboration des deux artistes se retrouve dans de nombreux
rouleaux et albums où une calligraphie de Koetsu vient s’inscrire sur des
feuilles richement dotées de motifs à l’encre d’or et d’argent par Sotatsu.
Cette collaboration vient en quelque sorte donner une forme synthétique à la
période Heian (que j’ai développé plus haut) puisque c’est une œuvre où le
dessin, l’écriture et la poésie s’harmonisent. Ils se préoccupaient de réaliser
de belles peintures décrivant la nature de façon intimiste.
Ogata Korin et son frère Kenzan au XVIIe siècle sont les deux artistes
à l’origine de la naissance de l’école Rinpa où Hokusai viendra se former à la
fin du XVIIIe siècle. Ogata Korin (1658-1716) est un peintre japonais de grande
renommée qui ressuscite dans l’esprit du XVIIIe siècle le génie de Sotatsu. Les
deux frères s’attachent tout deux à la décoration des poteries créées par
Kenzan. Les croquis que l’on garde d’eux sont faits d’après nature et
représentent majoritairement des fleurs et des oiseaux qui étonnent tant par
leur réalisme que leur minutie. Regardez cette merveille : un paravent aux
Iris est le couronnement de cette première période de l’art de Korin avant
1704. Sur un fond d’or, huit bouquets d’iris pleinement épanouis sont
représentés dont leur position variable rythme l’œuvre dans sa composition. Se
révèle ici l’influence de Sotatsu. Ses disciples tels Fukai Roshù, Tatebayashi Kagei ou Watanabe ne font
qu’imiter sa stylisation. Ce sera Sakai Hoitsu (1761-1828) qui cherchera à
faire connaître la valeur de Korin un siècle plus tard.
Korin aura finalement apporté de bien belles innovations à l’école
Rimpa qui consiste à rendre la nature de manière plus abstraite, mons
conventionnelle, en faisant appel à des gradations de couleurs, et à des
mélanges de couleurs pour parvenir à des effets étonnants et des variations de coloris. Il fit également appel à des matières précieuses que sont
l’or ou les perles, restant ainsi fidèle à la « signature » habituelle
de l’école Rimpa.
Hokusai se sera donc rapporché de cette école et aura dès lors
métamorphosé son sytle. Il ne produit que très rarement des estampes en série
pour se concentrer autour des surimono (comme les Tortues) c’est-à-dire des gravures en une seule feuille
destinées à un usage privé. Hokusai gravit les sommets de la reconnaissance grâce
à ses œuvres luxueuses et raffinées, à son habileté à traiter une grande
diversité de sujets et à sa capacité à illustrer le genre à la mode des Kyoka,
traduit par « poèmes-bouffes ». Ce sont des joutes poétiques sous
forme d’estampes suivies de livres illustrés. En 1798, il change de nouveau de
nom et s’installe comme artiste indépendant...
Une oïran et ses deux shinzo admirant les cerisiers en fleur à Nakanocho, 1793-1797
Tortues (surimono)
Longue-vue, 1801-1804
Sifflet de la cerise d'hiver, 1801-1804
Yu Zhi jouant de la cithare, vers 1796
Branche de prunier, vers 1796
Fukusuke, vers 1804
Rameaux du saule, 1797
L'Oiseau de la capitale, 1802
A très vite, pour la suite !